Le Gardien... Partie 2

Dvarlim arrêta là son examen avec sa longue vue de bronze qu’il replia et rangea dans son sac. Ses compagnons d’armes se réveillaient avec les premiers rayons du soleil de ce début d'été, mettant ainsi un terme à son tour de garde. Ils étaient arrivés tard dans la soirée bien après le crépuscule, prolongeant plus qu'à l'habitude leur journée de marche afin de terminer enfin cette première étape commencée un cycle de lune plus tôt. Leur campement était installé à la lisière de l’épaisse forêt qu’ils venaient de traverser, sur un léger promontoire à quelques encablures du Gardien, simplement constitué d’un tapis de feuilles mortes, sans aucun feu pour ne pas attirer l’attention du colosse. D’ailleurs, aucune créature n’était venue les importuner, aucun cri animal ne s'était fait entendre, et Dvarlim se rendit compte du silence anormal qui les entourait. Il lui semblait que la faune toute entière s’était mise d’accord pour éviter le lieu. Ceci étant dit, le Nain partageait sans conteste l’avis de la nature, et seule la nécessité vitale d’emprunter le Passage les avait poussés jusqu’ici. De mémoire de Nain, personne ne se souvenait ni pourquoi ni comment le Gardien était arrivé là. D’ailleurs, on ne trouvait personne dans tout le pays pour raconter une quelconque histoire digne de crédit sur le Gardien. Personne ne l’avait vu ou affronté depuis plusieurs dizaines de générations, et même probablement depuis des dizaines de siècles. La forêt de Löm constituait un rempart naturel et mystique suffisant pour éviter d’arriver jusque là, intentionnellement ou non. Les rares égarés retrouvaient toujours la direction du pays quand leurs frayeurs réveillaient un instinct d’orientation jusque là inconnu. Aucun livre courant n’y faisait référence et seul l’Archimage du Royaume, le très vénérable Li’Ret’Loëm, avait retrouvé un parchemin presque illisible qui rendit enfin espoir au citoyens de la contrée. C’est ainsi que fut montée l’expédition de la dernière chance, celle qui devait permettre de faire front au cataclysme qui décimait tout l'humanité. Le temps était compté, mais avant toute chose, le groupe devait traverser le Passage.